mercredi 24 janvier 2018

Pauline, Jessica, Chloé et les hommes mariés (2)

Dessin de Mike:

http://placardemike.blogspot.com

Une petite semaine de SMS, de coups de téléphone.
– Il m’en raconte, mais il m’en raconte ! À l’entendre, il dirige cinq ou six entreprises à lui tout seul. Il a des succursales en Chine, au Brésil et tutti quanti.
– Il te prend pour une conne, quoi !
– On peut dire ça comme ça.
– Et, bien entendu, il est libre.
– Comme l’air.
– Et n’a jamais eu de chance avec les femmes, je parie !
– T’as tout compris.
Une petite semaine et le type – Adrien, il s’appelait – a voulu une rencontre. Que Pauline lui a bien volontiers accordée. À condition que ce soit dans un lieu public. Un café.
Jessica et moi, on s’est installées aux premières loges, à la terrasse de celui d’en face. Des types entraient, sortaient. A fini par en surgir un d’allure parfaitement insignifiante.
– C’est lui ! C’est celui-là. Je suis sûre que c’est lui.
– Eh ben dis donc ! Faudrait vraiment avoir rien d’autre à se mettre sous la dent.
Ils sont restés plus d’une heure à l’intérieur à discuter.
– Bon, alors, qu’est-ce qu’ils foutent ?
Se sont enfin décidés à sortir. Séparés sur le trottoir.
On l’a discrètement pris en filature. De loin.
– Quand je pense qu’on va lui tanner le cul ! J’arrive pas à y croire.
– Attends ! Attends ! C’est pas encore fait.
Jusqu’à sa voiture qu’il avait garée dans une petite rue latérale. Une Twingo grise.
– Bon, ben voilà ! On connaît sa voiture maintenant.
Il a démarré en trombe.
– Et on a le numéro.

– Qu’est-ce que vous avez bien pu vous raconter pendant tout ce temps-là ?
– Devinez, les filles !
– Il a parlé de lui.
– Voilà. De lui. De lui. Et encore de lui.
– Comme la plupart des mecs. C’est le seul sujet de conversation qu’ils trouvent intéressant.
– Oh, ben dis donc, la purge !

Ils se sont revus quelques jours plus tard.
– C’est pas que ça m’enthousiasme, mais bon… Si on veut arriver à nos fins.
Jessica et moi, on est parties, pendant ce temps-là, à la recherche de sa voiture. Qu’on a trouvée sans difficulté. À quelques encablures de laquelle on a garé la nôtre. Et on a attendu. Une bonne demi-heure. Au bout de laquelle il a fait sa réapparition en sifflotant.
– Allez, go ! On le suit.
Un bon morceau d’autoroute. Un petit bout de Nationale.
– Faudrait pas qu’il s’aperçoive qu’on le piste…
– Penses-tu ! Il est sur un petit nuage, là. Il pense à Pauline. Il y a rien d’autre qui compte. Il voit rien. Il entend rien. Pauline… Pauline… Pauline… Qu’il est convaincu de sauter incessamment sous peu. Il s’en pourlèche les babines tout en conduisant.
Une zone pavillonnaire. L’une des toutes premières maisons. Dont il a actionné le portail électrique.
On a poursuivi notre route.
– Bon, ben voilà, mission accomplie. Suffira de revenir relever discrètement, demain ou après-demain, le nom sur la boîte aux lettres. Et d’aller ensuite faire un tour sur les pages blanches. Et, dans la foulée, sur Internet.

– Bon, ben il y a plus qu’à alors… Maintenant qu’on a tous les renseignements qu’il nous faut.
– Déjà !
– Franchement, c’est pas le genre de mec avec qui t’as envie de faire traîner les choses en longueur. Je me fais chier avec, mais je me fais chier ! Alors on lui flanque sa petite correction et on passe à autre chose. Ou à un autre. Allez, je l’appelle et on en finit.

Dans le hall de l’hôtel, quand il a aperçu Pauline, son visage s’est éclairé d’un large sourire. Il lui a pris le bras. Jessica et moi, on s’est approchées.
– Bonjour, Luc.
– Bonjour…
D’un air complètement hébété.
– Vous nous reconnaissez pas ? On est des amies de Séverine, votre femme.
– Je n’ai pas…
Et il a voulu entraîner Pauline. Qui ne l’a pas entendu de cette oreille.
– Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Tu es marié ?
– Mais pas du tout. Viens ! Je les connais pas. Ce sont deux folles.
Deux folles qui les ont suivis jusqu’à la porte de la chambre. Auxquelles il a voulu fermer la porte au nez. Que Pauline l’a obligé à laisser entrer.
– Ah, mais si ! Si ! Je veux en avoir le cœur net. Il est marié ?
– Bien sûr qu’il est marié. Avec Séverine, une coiffeuse. Tenez ! Voilà son numéro. Appelez-la si vous voulez.
Elle a fait mine de commencer à composer le numéro.
– Attends ! Attends ! Je vais t’expliquer.
– M’expliquer quoi ? Que t’es un gros salopard ?
– Non ! Non ! C’est parce que…
– Et il y en a beaucoup, comme ça, que tu roules dans la farine ?
– C’est la première fois, je te jure.
– Ben, bien sûr ! Non, mais c’est bon, là, faut la mettre au courant, ta bonne femme.
– Fais pas ça, je t’en supplie ! Tu te rends pas compte des conséquences.
– Ah, oui ? Je fais quoi alors ? Je te flanque une fessée pour te faire passer l’envie de recommencer ? Oui, tiens, c’est une idée, ça ! Allez, baisse ton bénard !
– Hein ? Tu peux pas me demander ça !
– Si, je te le demande ! Si ! Allez ! Le cul à l’air ! Non ? Bon…
Et elle a composé le numéro.
– Ça sonne.
– Raccroche ! Raccroche !
– À poil, alors !
Il a paru hésiter.
– Allô…
Oh, comment il s’est dépêché de le quitter le falzar !
– Raccroche ! Raccroche !
Pauline a posé le téléphone, tiré un tabouret, s’est assise.
– Viens là ! Plus près ! Ton slip !
Il a hésité et puis il l’a baissé. Jusque sur les mollets. Elle l’a saisi par le bras, fait basculer en travers de ses genoux.
Il a fait une dernière tentative.
– S’il te plaît, tu vas pas…
Elle a lancé une première claque. Pas très fort. Une autre. Une dizaine. Et puis ça s’est brusquement emballé. De plus en plus fort. De plus en plus vite.
Jessica a chuchoté.
– Elle y prend goût, on dirait.
Elle y prenait goût, oui, c’était clair.
– Elle s’arrêtera pas !
– En attendant, comment ça le lui met rouge.
Lui, il commençait à gigoter, à se soulever du derrière et à piauler. Des espèces de borborygmes plaintifs d’arrière-gorge.
Elle s’est interrompue d’un coup.
– Dégage !
Il s’est reculotté. En nous tournant le dos. Et il a filé sans demander son reste.
Il avait à peine refermé la porte qu’on est parties, toutes les trois, d’un gigantesque fou rire.
– Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.
– Sa tête, non, mais sa tête !
– En tout cas, il est pas près d’y remettre le nez.
– Oui, oh, alors ça !

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